A propos de l'IFI

À la demande de son enseignant le shaykh AbdAllâh Penot, Ustâdh Maxime, enseignant ayant participé à la création de l’Institut Asharite, disposant de plusieurs autorisations de compréhension (ijâzâtu dirâya) dans les sciences religieuses et particulièrement dans la jurisprudence (fiqh) de l’école malékite et ses fondements (uṣûl), est chargé de rédiger des avis juridiques (fatwâ) en phase avec la méthodologie traditionnelle. Habitué à consulter de nombreux savants officiant dans les plus nobles institutions du monde musulman d’obédience malékite, ses enseignants de la maḥḍara Nubbaghiya (Mauritanie), de Touba (Sénégal), ou certains shuyûkh d’Adrâr (Algérie), de la région d’al-Aḥsâ` (Arabie Saoudite), du Bahreïn et d'Égypte, il lui est demandé, tout habilité qu’il est à cette fonction, d’élargir cet effort dans l’intérêt de la communauté francophone. À cet égard, il fait partie d'un groupe de travail nommé « al-Nawâzil » aux côtés de certains des plus grands savants mauritaniens et crée à leur initiative pour traiter les cas nouveaux.

L'éthique de la consultation juridique

L’Iftâ` est techniquement le fait d’informer d’un statut légal sans caractère coercitif (al-ikhbâr bi-ḥukmi charᶜî lâ ᶜalâ wajhi-l-ilzâm), d’où notre traduction par consultation juridique. Il s’agit d’une relation privilégiée entre un questionneur et une personne, garante du savoir religieux, qui concrétise une obligation collective[1]. Deux aspects peuvent être abordés :

  1. Les conditions que doit remplir la personne chargée de répondre au questionneur
  2. Les convenances du questionneur

Les conditions que doit remplir la personne chargée de répondre au questionneur

La personne chargée de répondre au questionneur doit remplir plusieurs conditions :

  1. Etre pubère, doué de raison, probe et non connu pour son dévoiement (fisq).
  2. Ne pas se précipiter à émettre une réponse mais, au contraire, prendre le temps de la réflexion et de l’analyse. S’il connait la réponse, il peut répondre aussitôt. Il peut arriver qu’une question reste sans réponse. En effet, Ibn Mas’ûd disait : celui qui répond à chacune des questions qui lui est posé est un fou [2] ». On a interrogé l’imam Mâlik sur 48 questions et il a répondu à 32 d’entre elles : « je ne sais pas ». On lui dit : « mais c’est une question simple », il s’est mis en colère et a rétorqué : « il n’y a rien de simple en matière de savoir (ᶜilm)[3] ». Envisager l’absence de réponse conduit à interroger son statut. A Cet égard, al-Laqânî a dit[4] : « al-Juzûlî a dit : il est obligatoire au savant de répondre à quatre conditions:
  • que le questionneur interroge sur ce qui lui est obligatoire
  • qu’il craigne que le temps du cas en question ne passe
  • que la personne interrogée connaisse la réponse, soit par son ijtihâd s’il est mujtahid soit en transmettant l’avis de celui qu’il suit.
  • que le questionneur soit pubère. Il est à noter qu’une divergence existe à propos de cette condition car l’impubère est concernée par la prière. Partant de là, certains estiment qu’une réponse doit obligatoirement lui être apportée. »
  1. Ne pas faire preuve de laxisme dans ses réponses, ni chercher à avantager autrui par celle-ci, ou au contraire adopter une position rigide dans le but de nuire à quiconque.
  2. Il doit répondre lorsqu’il est disposé et non aux prises avec des changements d’humeur qui impacteraient son jugement, comme la faim, la soif, la colère, la douleur ou lorsqu’il est préoccupé. Son esprit doit être entièrement disposé à l’écoute de l’interrogateur (mustafti). Si toutefois, il venait à émettre un jugement dans cet état, la consultation n’en demeurerait pas moins valide mais, assurément, il prend un risque.
  3. Ne pas répondre à une question dépendante d’éléments de contexte sans le maitriser. Il en est ainsi des consultations relatives aux termes utilisés, dans les serments, les mariages et les divorces et de toute norme relevant de l’usage et de la coutume. En ce sens, dans certains registres, questionner des personnes étrangères au contexte européen, qui n’en maitrise ni la langue, ni les codes, ni les coutumes apparait comme un non-sens au regard des conditions requises de la part de la personne consultée. C’est dans cet esprit qu’ustadh Maxime, outre sa formation, lui qui est né et a grandi en France, a été sollicité pour cette fonction. La connaissance du contexte inclut l’accès aux personnes ressources, et la possibilité de questionner différents experts dans les domaines en lien avec la question : alimentation, industries, pharmacie, chimie, médecines vétérinaires et autres. Al-Qarâfî a dit: « maintenir des statuts basés sur les coutumes alors que celles-ci ont changé est contraire au consensus et une ignorance dans la religion. Tout ce qui dans la Loi révélée est tributaire de la coutume, change de statut lorsqu’elles changent selon ce qu’impliquent ces nouvelles habitudes. Nul besoin d’un nouvel ijtihâd émanant du muqallid qui exigerait que l’on conditionne par l’aptitude à l’effort d’interprétation (ijtihâd), mais plutôt ces règles ont déjà fait l’objet d’un ijtihâd de la part des savants qui se sont accordés dessus et nous les suivons sans avoir à en refaire un […]. C’est le cas notamment pour les testaments, les serments et l’ensemble des chapitres du fiqh où la coutume joue un rôle important. Si la coutume change, les statuts qui en découlent changent également dans ces chapitres […]. Puis il a dit : « selon cette loi, les avis juridiques doivent être considérés au quotidien, lorsque la coutume change, on la prend en considération et lorsqu’elle n’existe plus, le statut n’a plus lieu d’être également. Ne reste pas figé sur les narrations transmises dans les livres toute ta vie, mais plutôt, si un homme qui ne fait pas partie de ta contrée vient te questionner, ne l‘entraine pas vers ta coutume (‘urf) mais questionne-le sur celle de son pays et n’émet pas d’avis selon les coutumes (ᶜurf) de ton pays ni ce qui est établi dans tes livres, cela est la vérité claire. Le fait de rester figés (jumûd) à jamais sur les narrations transmises est un égarement (ḍalâl) de la religion et une ignorance des finalités des savants des musulmans et des prédécesseurs […] »[5].
  4. Au-delà de la prise en compte de la coutume, il doit également chercher à repousser les préjudices (dafᶜ al-mafsada) et à mettre en évidence les intérêts (jalb al-maṣlaha)[6] comme mentionné en détail dans les ouvrages spécialisés. C’est ainsi que toutes les réponses n’ont pas vocation à être rendue publique, soucieux de respecter la particularité potentielle de certaines consultations.
  5. L’imam Mâlik a dit : « il ne convient pas à quelqu’un de se sentir compétent en quoi que ce soit avant d’avoir interrogé plus savant que lui [qui décrète qu’il l’est] [7] ». En d’autres termes, la consultation juridique doit être entre les mains de personnes autorisées. Or, nous constatons sur internet une pratique anarchique de la consultation juridique, faite sous pseudo anonyme ou émanant de parfait inconnu, autoproclamé. L’une des ambitions de l’Institut Francophone d'Iftaa est justement, en toute humilité, de proposer un encadrement, avec l’aval de savants reconnus dans différents pays du monde musulman d’obédience malikite. Trop de jeunes étudiants, dénués de sagesse, et manifestement des qualités nécessaires à cet exercice se sont arrogés cette fonction, créant débats stériles, instillant incertitude et confusion dans l’esprit de beaucoup de musulmans, à travers des propos inappropriés, cherchant à faire étalage de leur culture juridique islamique présumée authentique. Il nous faut alerter sur l’obligation pour tout questionneur de se diriger vers des gens aptes à la consultation [8]. Assurément les pseudos inconnus ne remplissent pas ces conditions.

La méthode appliquée à l’IFI sera, tout d’abord, de chercher à bien comprendre la question et ses implications, si besoin d’effectuer les recherches nécessaires dans les ouvrages de référence, et de consulter les spécialistes du domaine concerné (médecine, chimie, etc.) puis d’échanger, quand nécessaire, avec nos savants afin de produire une réponse finale.

Les convenances du questionneur [9]

  1. Il convient qu’il soit poli à l’égard du mufti et qu’il lui témoigne du respect.
  2. Il doit chercher à exprimer sa question de la manière la plus claire, citant tous les détails susceptibles d’impacter la réponse.
  3. Il ne dit pas après avoir eu la réponse : « c’est aussi mon avis » ou « c’est ce que je pensais » ou « j’ai interrogé quelqu’un d’autre qui m’a répondu autre chose ».
  4. Il n’est pas séant de demander l’argument (dalîl) de la personne consultée. Si vraiment, il veut rasséréner son cœur par l’écoute de l’argument, que ce soit l’objet d’une demande ultérieure et après avoir accepté la réponse telle quelle.
  5. Il invoque en faveur de la personne consultée.

L'objectif de l’IFI

Partant d’un vide coupable, l’objectif de l’IFI est d’encadrer cette pratique autour de personnes autorisées, en conservant le socle de la tradition tout en répondant aux exigences contemporaines. Bien heureux celui qui trouvait jadis un juriste compétent au coin de sa rue, ou dans la mosquée de son quartier, malheureusement la réalité est toute autre, les imams ne sont pas assez formés et quand ils le sont, un tant soi peu, ils sont loin de l’Islam traditionnel, parfois même quand ils s’en réclament…

Nous demandons à Dieu l’assistance et de faire œuvre utile pour la communauté francophone.

Recommandations

Shaykh Shuayb Kebe

Touba, Sénégal

Shaykh AbdAllâh Penot

France

Shaykh Muhammad Buttâr

Nubbâghiyya, Mauritanie

Références

1. An-Nawawî, Âdâbu-l-Fatwâ wa-l-muftî wa-l-mustaftî, page 13, édition Dâr al-Fikr.

2. An-Nawawî, âdâbu-l-Fatwâ wa-l-muftî wa-l-mustaftî, page 14, édition Dâr al-Fikr.

4. Al-Laqânî, Manâr uṣûl al-Fatwâ, page 235.

5. Al-Qarâfî, al-Iḥkâm en réponse à la 39ème question. Al-Hilâlî, Nûr al-Baṣar fî charḥ al-Mukhtaṣar, page 270, édition al-Maktaba al-ᶜAṣriyya.

6. Ibid, page 270.

7. An-Nawawî, Âdâbu-l-Fatwâ wa-l-muftî wa-l-mustaftî, page 18, édition Dâr al-Fikr.

8. Ibid, page 61.

9. An-Nawawî, Âdâbu-l-Fatwâ wa-l-muftî wa-l-mustaftî, page 83, édition Dâr al-Fikr.